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Le vide n’est pas vide.
Pourquoi ?
Parce que rien que le fait de l’écrire l’emplit déjà d’une succession de lettres ; hérédité malingre, certes, mais bien là. Et vous êtes également bien là, à l’instant, en train de lire un début d’amoncellement de traits et de courbes qui font l’écriture. Vous n'oserez pas me dire que vous signez le vide de votre présence. Donc.
Et s’il est là, cela veut dire aussi qu’il existe.
Et s’il existe, c’est que ce n’est pas rien.
Et ne pas être rien, malgré le fait que nous conviendrons du rien qui nous habite et qui nous conduit vers l’inéluctable « on n’en sait rien », c’est déjà être quelque chose, même si l’on ne sait pas encore quoi et quelle chose en fait… ou en fêtes sacrificielles, puisque l’on y est quasiment toujours en plein dedans.
Le quelque chose a ce « on ne sait quoi » soit d’évanescent, soit de palpable.
L’évanescence est une physique éprouvée.
Et la preuve scientifique n’est pas une broutille. Oh que non !
D’ailleurs une broutille peut servir à énormément de choses… On peut par exemple s’en servir, une fois préalablement trempée dans du miel d’oreille droite (*), à y faire grimper multitude de particules de sensualité à canon, que l’on s’empressera de faire griller pour en faire du café exotique et du commerce équitable.
J’aime bien toucher l’impalpable ; et donc si je touche, c’est bien que je palpe ce qui n’est pas vide.
Mais je tiens à souligner comme évidente justesse d’esprit que le vide n’est pas le creux.
Car je peux donc - la preuve de la broutille encore et toujours - associer le vide à l’esprit, à l’intellection, qui comme un pot de chambre ou la coupe de Sein-Glinglin 1er, a la possibilité de contenir et de se vider.
Le vide dans son inutilité originelle peut se révéler fort utile et inutile à la fois… tout comme les confettis de dents pilées au marteau dont on peut s’amuser à se fournir en vidant la bouche des ahuris des bals du 33 juillet.
Marcel DUCHAMP, dans un coin de vide, photographié par Irving PENN
Il n’en est pas de même pour le creux. Ne nous méprenons pas !
Le creux est l’antithèse du vide.
Et je suis fort conscient que les creux du bulbe, qui auront beau se creuser le mou à la chignole manuelle afin d’intégrer la moindre parcelle de ce texticule traitant du vide, n’accèderont pas à la plénitude offerte à ceux qui comprendront tout le jeu et l’enjeu de plonger tête la première dans le premier vide venu.
Le creux est simple. Un creuset est exagérément peu alambiqué, ce n’est pas un cratère à boire, ni ne serait-ce qu'une coupe à demi-vide d'un peu de rien.
Le creux est une néantopathie étudiée depuis des millénaires dans ses moindres renfoncements par des pilleurs de cervelles. Jouez au creux chez un psychanalyste et vous verrez la carence et le béant qu’il vous balancera dans la tête !
Le creux est comme le crâne d’une raclure. Le creux est donc primitivement raclé et la raclure très creuse une fois le goupillon liturgique passé.
Point de vide pour les creux. Point de creux pour le vide. Point. (*bis)
Vive le vide ! A bas le creux ! Que meure la raclure !
Vides de tout vide et pleins de tout rien, unissez-vous ! Ne vous laissez pas fourrer le vide sans vous battre !… La guerre risque de durer longtemps et de vous dessécher avant que vous ayez le temps de dire… « Merdre alors ! Je suis vidé !».
Système Plévreux
(*) Pourquoi l'oreille droite et non la gauche ? Vous pouvez toujours vous amuser à combler votre incommensurable creux en me posant la question à laquelle je me ferai un plaisir de toujours répondre par du grand vide.
(*bis) Remarquez bien que le creux ne figure même pas sur la liste des ponctuations. C’est dire… le vide qu'il ne caractérise pas.