Le 30 juin prochain et une semaine plus tard le 7 juillet, les électeur·ices français·es sont convoqué·es aux urnes pour élire leurs député·es. A quoi pensait EM lorsqu'il a dissout l'Assemblée Nationale ? Un calcul politique, un coup de poker, le tout sous une bonne dose d'égocentrisme crasse? Il a créé un péril national pour cause de vexation et aujourd'hui cette dissolution est une aubaine pour le RN (75% des personnes de proximité partisane y sont favorables*) là où la gauche du Nouveau Front Populaire ou Renaissance la perçoivent à l'inverse (respectivement favorables à 43 et 42%). Hubris ultime après avoir perdu la face aux élections européenes, acte de traitrise face à la chose publique qui dans le fond ne nous surprend que peu. Nous le connaissons ce monstre de vanité, autoritariste sans vergogne et éborgneur dont il fallait se méfier. Celui qui révélait sa pédanterie en déclarant le 1er mai 2017, déconsidérant la parole des non savant·es :
Donc si nous voulons cette République nouvelle, nous avons besoin des artistes, des savants, des enseignants, parce qu’il y a des gens qui ont ces talents, parce qu’il y a des gens qui ont lu plus de livres, parce qu’il y a des gens dont la parole est claire et éclaire la vérité dans notre société et parce que toutes les paroles ne se valent pas. Et cela, il est un devoir de le reconstruire pour avoir une démocratie forte, forte sur ses bases, par ce couvercle. Ce combat, c’est aujourd’hui un combat de civilisation.
Son mépris de classe est le poison de notre société.
Celui qui se gargarise de sa suprématie, nous aura toustes pris·es de haut. Et ce mépris de classe s'est infiltré comme un poison dans la société. Les ruraux, les classes moyennes en manque de pouvoir et de reconnaissance, les appauvri·es, les relégué·es victimes de sa politique de privilèges macèrent dans ce poison ; et maintenant même les classes sociales aisées et diplomées glissent le bulletin de la honte dans l'urne. S'iels n'ont pas les mêmes enjeux socio-culturels, économiques, iels ont le même mouvement d'exaspération revancharde qui éteint chez elleux la conscience du commun et de l'intérêt général. Une revanche autant égalitariste que réactionnaire qui s’incarne dans le populisme le plus paradoxal, les riches vont encore plus prendre le pouvoir sur un prolétariat qui depuis des décennies a délaissé sa culture (60% des ouvriers ont l'intention de voter RN au premier tour), abandonnant l’Internationale au profit d’un individualisme nationaliste. 36%* de la population française suit aujourd'hui le RN grâce à celui qui avait promis de nous en libérer. Il lui a ouvert la voie, et l'impose comme un parti de revanche pour celleux qui ont faim autant que pour celleux qui craignent de perdre une pseudo identité civilisationnelle selon elleux en voie de perdition, de remplacement. Une position réactionnaire qui n'est plus un vote sanction (seulement 25% des votes) mais un vote d'adhésion aux valeurs et aux idées en première raison du vote RN (37%). Et si, pour le prochain scrutin, ce sont 63% des électeur·ices inscrit·es qui ont l'intention d'aller voter au 1er tour, ce n'est pas fait pour nous rassurer puisque les intentions de votes restent stables. Cela augmente juste le risque de triangulaires.
Intentions de vote pour les prochaines élections législatives, chez les Français certains d’aller voter (Ipsos - 21 au 24 juin - 12000 personnes)
Pour beaucoup de citoyen·nes le vote RN c'est vouloir récupérer de manière autoritariste une fierté perdue. Il n'y a aucun progrès dans l'idéologie qu'iels épousent, celle-ci n'existe que par l'ostracisme et le racisme ; ce n'est pas une simple volonté de récupération de droits dont iels se sentent dépossédé·es, c'est une agression contre des cibles caractéristiques dans un mythe de purification, un anti-wokisme obsessionnel, un futur crime d'État s'iels arrivaient au pouvoir. Le discours et l'avenir est raciste, islamophobe, homophobe, transphobe et sexiste... Cette narration identitaire est normalisée mais surtout portée comme un projet. EM en aura été finalement promoteur, ses mots sont nos maux.
Le pire est à venir
Et voilà venus maintenant les bélliqueux, la rhétorique affutée comme les longs couteaux de leurs ancêtres. Ces gens du RN, attaquent, mordent et occupent les temps d'antennes. Ils exercent une vraie fascination sur la presse et la population malgré leurs approximations et leurs mensonges. Plus c'est gros plus ça passe. Leur verve et leurs outrances redonnent de l'espoir à leurs sympathisant·e·s dont la mémoire aura été effacée par toutes ces années de dédiabolisation. Iels sortent du bois sans aucune craintes, iels se sentent légitimes.
Les discriminations, la rhétorique et les intentions portées par le RN, devraient être considérées comme scandaleuses. Toute personne aujourd'hui déclarant "ce sont les seuls que nous n'avons pas essayé" avec un air de contrition connait parfaitement les origines de ce parti, les implications [in]humaines de ses mesures, les violences quotidiennes contre les minorités, le racisme dont la négrophobie, l'antisémitisme et l'islamophobie, les LGBTphobies... Soutenir aujourd'hui individuellement ces positionnements est en soi répréhensible. Les citoyen·nes de France ont déjà essayé l'extrême droite avec Vichy. Nul ne peut s'afficher aujourd'hui avec ces idées ou positionner son vote sur cette idéologie et rester candide quand à la réalité de son impact, ou s'affranchir de sa responsabilité. La dédiabolisation a été portée médiatiquement, acceptée collectivement, et maintenant affirmée individuellement en conscience. Aujourd'hui il y a déjà une guerre civile, elle est idéologique. Les électeur·ices RN sont une milice de coeur. Une multitude de citoyens faisant allégeance à l'idéologie d'extrême droite, fasciste. Plus de 50% des militaires et policiers voteraient RN, iels sont armés ; dans les campagnes les ruraux et paysans ont plus d'un fusil grâce aux différents cadeaux faits par les pro-chasses dont EM lors de son premier mandat. Il y a aujourd’hui des milices larvées, qui attendent de pouvoir se jeter sur les citoyens progressistes.
Une personne noire me disait dernièrement qu'à chaque rencontre qu'elle fait aujourd'hui, il y a toujours un moment où elle se demande qui elle a en face d'elle, où elle se sent en insécurité. Chaque rencontre se fait avec la crainte d'un face à face avec le racisme débridé. Ne pas être blanc·he ou homme cishétéro dans la rue c'est vivre la peur au ventre en permanence.
Il faudra rendre compte.
Mais il y aura un après. Ces milicien·nes d’armes ou d’idéologie, devront rendre des comptes. Ces collabo des temps modernes, n'ont plus d'excuse. Iels savent très bien ce que sont leurs pensées et où elles trouvent leur origine. Nos heures sombrent ont dejà commencé. Personne n'ignore qu'aujourd'hui dans les quartiers populaires on est abattu pour sa couleur de peau, sa culture, sa religion. Personne n'ignore qu'aujourd'hui les relents d'antisémitisme ne sont pas à gauche mais toujours à droite ou à l'extrême. Si aujourd'hui l'antisémitisme, haine des personnes juives, fait un tel saut statistique en terme d'agressions, c'est une sorte de mise à niveau morbide avec les actes et paroles subis par toustes les sémites. La haine de la judéité n'est pas terminée, autant que la haine des musulman·nes n'a eu de cesse de grandir ces dernières décennies.
L'occident, la vieille Europe, vit une pandémie de peste brune comme jamais et la France n'y échappe pas. Accuser la gauche d'antisémitisme est une aberration, bien sur qu’il y a des gens de gauche racistes mais de la à en faire une caratéristique essentielle c'est une incroyable ironie du sort, un fabuleux acte de manipulation des esprits qui rencontre d’autres aberrations. Comment comprendre qu'aujourd'hui de nombreu·x·ses Juif·ve·s votent RN, comment comprendre que Serge Klarsfeld se réfugie dans le RN? Une seule explication, un racisme encore plus grand : l'islamophobie. La haine des musulmans.
Les personnes qui voteront RN signent pour ce nouvel ordre d'extrême droite. Iels ont rendez-vous avec leur conscience. Iels contribueront à plus de xénophobie, plus de racisme, plus d'inégalités, plus d'homophobie, plus de sexisme... Nous vivrons, si nous leurs abandonnons les urnes et nos voix, un monde nocif. L'esprit de la Résistance doit de nouveau faire Front. Nous avons déjà connu Vichy, de nombreux français·aises ayant soutenu ce régime. C’est un bis répétita de l’Histoire. Les niaiseux·ses qui suivent de nouveau la voie du fascisme revivront aussi leur propre chute.
(*) Les données de la nouvelle vague de l’Enquête électorale française, réalisée par Ipsos du 21 au 24 juin 2024 sur un échantillon de près de 12 000 personnes.
Analyse : Fondation Jean Jaures