Le mouvement végane et antispéciste est encore trop méconnu du fait de son émergence récente dans les médias et sans doute également du fait de son caractère révolutionnaire. Accorder aux animaux humains et non-humains l'égale considération des intérêts est particulièrement progressiste. Progressiste voire subversif dans une société où il est légal d'assassiner des animaux pour les consommer malgré le sérieux consensus scientifique pour dire qu'une alimentation végétale est adaptée à tous les âges de la vie. On pourrait penser, espérer que ce mouvement progressiste soit inclusif pour les humain·es qui subissent des oppressions ? Ce n'est guère le cas.
Nous, femmes et minorités de genres, sommes impliquées (professionnellement ou bénévolement) dans le mouvement antispéciste. Nous constatons que notre travail est invisibilisé voire accaparé par des hommes cis blancs. Ces hommes sont pourtant minoritaires dans le mouvement antispéciste. Femmes et minorités de genre ont été des pionnièr·es dans bien des domaines : cuisine végane, écrits théoriques, organisation de conférences et festivals, cosmétiques cruelty free, lancement de campagnes et actions militantes. Pourtant, malgré la qualité de notre travail, les chiffres de vente de nos livres , l'accueil enthousiaste réservé à nos créations sur le terrain, le nombre de visites sur nos sites internet et chaînes youtube, nous continuons à être méconnues du grand public et même dans le milieu antispéciste, nos contributions sont sous-évaluées, sous-estimées, insuffisamment considérées.
Nous constatons :
- Dans les supports de présentation des événements antispécistes / véganes (conférences, festivals) des superlatifs essentiellement réservés aux hommes cis* ("inimitable" "inégalable")
- Le non-respect de la parité à minima lors de conférences ou de tables rondes
- Des publications qui ostracisent les contributions des minorités de genre
- Des qualificatifs type "philosophe" "chef" "star" réservés aux hommes cis quand les femmes sont cantonnées à être des "blogueuses"
- Une infantilisation régulière : les hommes ont un nom tandis que les femmes n'ont qu'un prénom
- Des rémunérations asymétriques entre femmes et hommes notamment parce que les hommes accèdent plus aisément aux rares postes rémunérés
- Des plagiats / vols de propriété intellectuelle et de projets : concepts, noms, activités copiés en toute impunité.
- Une mise en avant des hommes cis, ce qui ne correspond nullement à la sociologie du mouvement antispéciste
- Une couverture médiatique plus favorable aux hommes cis (monopolisation de la parole, mecsplications)
- Une haute tolérance aux blagues sexistes, racistes, classistes, validistes, LGBTQI+phobes et grossophobes
- Une objectification des femmes sur certains supports militants
- Du harcèlement moral et du harcèlement voire des agressions sexuelles imposé-es par des hommes cis
- Une charge mentale genrée : les femmes gèrent la majorité du travail bénévole et militant "gratuit" tandis que les hommes cis récoltent la reconnaissance du fruit de ce travail
- Un manque de diversité de manière générale et surtout peu de considération pour les concerné·es par des oppressions intra-humaines.
- Un entre-soi masculin, avec des codes virilistes et une certaine sexualisation de la nourriture...
- Une hiérarchisation du militantisme : un mépris des activités (comme la cuisine et les soins du corps...) et considérations (comme l'empathie) traditionnellement considérées comme "féminines" et une mise en avant de l'activisme masculiniste. La crédibilité du mouvement vegan se construit autour des hommes cis, on les met en avant pour prouver que c'est un mouvement rationnel et sérieux
- Le recours à des personnalités connues pour des positions sexistes (Remy Gaillard) ou racistes (Brigitte Bardot) pour soutenir la cause animaliste quitte à exclure et blesser des humain-es qui la portent
- La non modération sur les réseaux sociaux de propos sexistes, grossophobes et racistes qui visent essentiellement les femmes.
- L'utilisation de comparaisons qui peuvent heurter des personnes (Esclavage, viol des vaches, holocauste, emploi du terme "personnes spécisées" pour parler des animaux non-humains)
- La hiérarchisation des luttes ou considérer que le sexisme envers les humain·es est moins grave que la violence faite aux animaux femelles non-humaines.
- L'utilisation de commentaires grossophobes sur le poids des femmes non véganes pour les décrédibiliser sur leur apparence plutôt que sur leurs idées spécistes
- Le relais à travers les blogs et médias militants de stéréotypes sur ce que devrait être une femme végane : mince, cuisinière healthy, sportive et en bonne santé
Exemples de campagnes grossophobes, sexistes, classistes et racistes
Nous appelons les personnes qui organisent des festivals, des colloques, des conférences, l'ensemble de la presse a être vigilantes à ne pas renforcer les inégalités existantes (racisme, sexisme, classisme, Lgbtqui+phobies etc...). Le mouvement antispéciste doit être un mouvement inclusif. Nous appelons de nos vœux que la réalité et la gravité du problème d'inclusivité soient reconnues. Nous espérons que nos vécus soient entendus et considérés. Nous encourageons chacun·e à :
- Entendre les critiques émises par les personnes concernées et accepter de se remettre en question
- Ne pas invisibiliser les femmes et les minorités de genre, dans les faits mais aussi via un langage inclusif
- Veiller à ne pas être dans la reproduction sociale en termes de classe, race, genre et validité.
- Mettre en avant le travail réalisé par des personnes qui ne sont pas des hommes cis blancs, ne pas spolier leurs contributions
- Ne pas attaquer les espaces non-mixtes choisis et soutenir les démarches de sororité entre femmes
- Se battre individuellement et collectivement contre les propos sexistes, racistes, classistes, validistes, grossophobes, transphobes et homophobes... et toute forme de propos discriminants.
- Encourager les pages d'associations, ONG les groupes faceboook militants à modérer et dénoncer tout débordement oppressif et à en exclure les auteurs.trices.
Signataires et soutiens :
Amandine Mauguin, Ambre Lesage, Laura Le Brasseur, Neo, Nonbi Radio, Agathe Muller, Kat, Nicolas Biannotte, Elodie Boury-Goarnisson, Alice Lemaitre, Alice Delboë, Anastasia Alaixendri, Aurélien Liban, Géraldine Franck, Typy Zoberman, Françoise Blanchon, Elodie Ramassamy, Adrian Debord, Céline Yavetz-Netter, Lo Enair, Sandre Corneloup, Pauline Guermeur, Ava Marzloff, Emilie Pujol, Ezeckiel D, Mélanie Caudrillier, Coralie Monge, Matilde Brnd, Nilo, Éloïse Chéreau, Marion Guessoum, Marie Laforêt, Ophélie Véron, Une végane des (v)egaux, Laure Célerier, Marie Duf, Lorraine Ory, Noé le Blanc, Irène Girardin, Doggybagcrew, Julie Lehideux-Vernimmen, Coline Pierré, Sophie Hutin, Anne-Laure Vernet, Pauline Harmange, Charlotte Bousquet, Sandrine Delorme, Maëva Tur, Victoria Luta, Sarah Vermande, Valérie Leterme, Floriane Pissenlit, Natasha Tourabi, Sabrina Boyer, Méryl Pinque, Mélanie Montil, Ségolène Denis-Laroque, Layla Benabid, Noria Belgherri, Maddalena Lanciotti, Nasham Aleau, Barbara Vasseur (Cysséepho), Séléna Poun, Stéphane Vandendriessche, Elise Rochette, Victoria Mel, Iris Lucas, Jérémie Vasseur
* Le terme cisgenre fait référence à un type d’identité de genre où le genre ressenti d’une personne correspond au genre assigné à la naissance. Le mot est construit par opposition à celui de transgenre, pour une personne dont le genre ressenti ne correspond pas au genre assigné à la naissance.