Un reportage auprès du Collectif des Femmes du Palais de la Femme qui luttent pour leur droit à s'organiser contre les violences institutionnelles qu'elles déclarent subir. Un appel pour le droit au logement, pour une vie digne, pour la solidarité politique. Pour la liberté des femmes et des minorités de genre.
Un reportage en coopération avec Emmanuelle Thiercelin, photographe chez ©Divergence
Temps d'écoute : 73'
L'Armée du Salut, organisation philanthropique et caritative, religieuse, gestionnaire du Palais de la Femme, se trouve au coeur d'une tempête qui n'a pourtant pas l'air de faire trembler les fondations de la charité dont elle fait mission et pour laquelle elle est soutenue par les pouvoirs publics.
Depuis 3 ans maintenant, des femmes se soulèvent au sein du Palais de la Femme pour crier leur souffrance et leur colère se déclarant victimes de maltraitance institutionnelle. Dossiers de droit au logement perdus ou qui traînent, infantilisation et brimades, lesbophobie, insécurité physique et psychique due à l'instauration de la mixité dans un endroit historiquement dédié aux femmes, aménagements obsolètes des espaces de vie, contrôle sur les corps et les esprits, le collectif des Femmes du Palais de la Femme dénonce ces situations, aujourd'hui soutenu par les Femmes Gilets Jaunes et d'autres groupements de lutte féministe dont vous avez le détail au bas de cette page.
L'institution optimiserait-elle un business de la charité ? L'Armée du Salut organisation bourgeoise, au nom de Dieu, considérerait-elle les personnes en difficulté et qu'elle a en charge comme une manne, des personnes inadaptées à contraindre sous la pression d'un ordre moralisateur pour continuer un business, qui comme le rappel Madame Versini reçoit, les subventions de la ville, les loyers de résidentes et des dons privés. Madame Versini, en charge de la solidarité à la ville de Paris, donne inconditionnellement sa confiance à l'institution. Elle refuse de prendre en compte ou de laisser le bénéfice du doute aux Femmes organisées et revendiquant des droits selon elles bafoués. Comment une telle institution pourrait-elle avoir de mauvaises intentions ou de mauvaises pratiques ? C'est ainsi que Madame Versini, Adjointe aux questions de Solidarités, à la lutte contre l'exclusion, pour l'accueil des réfugiés et la protection de l'enfance répond au voeu formulé au conseil municipal de Paris par Danielle Simonnet, Conseillère Municipale France Insoumise, se cachant derrière des arguments organisationnels lors de la session du Conseil de paris de Juin 2019.
Madame Versini au Conseil de Paris, juin 2019
Le Vœu n° 159, du coup avec un avis défavorable de l’Exécutif, sera repoussé. Pourtant au bout de 3 ans, alors que s'accumulent des faits, la colère ne redescend pas. Et contrairement à ce que sous-entend Madame Versini, le fait de recevoir dans un bureau municipal une délégation de militantes, le fait de programmer des réunions de vie collective ne garantit en rien l'efficience de ses rencontres. Rencontrer n'a jamais signifié prendre en compte et travailler à résoudre des situations de maltraitance. D'ailleurs, Madame Versini ne nous indique pas ce que ces rencontres ont pu résoudre. Une seule personne présente à une réunion ne la rend pas pour autant illégitime à porter la parole d'un collectif.
Madame Versini au Conseil de Paris, juin 2019
Elle dit "ne pas penser que cela soit tout à fait exact..." et penser que l'institution "Armée du Salut" serait par sa renommée un gage de bonnes pratiques. Là encore, elle n'indique pas en quoi les revendications du collectif sont injustifiées. De plus, une pensée n'équivaut pas à la réalité surtout lorsqu'il s'agit de présuposés. Cette intervention au conseil de Paris si elle a pour objectif de rejetter toute remise en cause de l'institution, représenterait un affront à la dignité des Femmes déjà précarisées et sur qui cette fois l'institution communale elle-même se rendrait coupable de maltraitance institutionnelle en repoussant l'expression de leur souffrance réelle argumentée par des faits qu'il convient de simplement vérifier par un audit. Le voeu numéro 159 est repoussé dans une espèce de suprémacisme de la raison bourgeoise qui s'offusque que des personnes stigmatisées soient revendicatives alors que la charité leur offrirait un tel confort dont elles devraient être remerciantes. Un bon pauvre serait-iel un pauvre qui se tait ?
Alors, puisque cette parole est retirée aux militantes au sein du Conseil de Paris comme une fin de non recevoir par une volonté de minimiser la portée ou de taire les revendications, nous décidons de nous faire l'echo de cette lutte en vous transportant au pied du Palais de la Femme où le 6 juillet dernier nous avons ouvert notre micro pour donner la Parole à ces Femmes qui luttent.
Oriane, militante et Martine
Les femmes du Palais de la Femme devraient ne rester qu'un maximum de 2 ans dans leur chambre louée (à prix sans concession n'ayant rien d'altruiste), sas de passage pour faciliter l'acces au logement, le temps qu'un dossier soit monté. On decouvre en fait que le suivi social ne serait pas à la hauteur et que la loi ne serait pas respectée. Un pauvre est un pauvre qui se tait. Les gestionnaires sont aux affaires. Rien n'est offert ici, tout est business et rentabilité. Un loyer au prix fort, des machines à laver le linge payantes, la précarité génère sa propre économie dont la seule bénéficiaire est l'institution. Nous entendons Edith du DAL qui nous parle de la situation et de la bonne conscience humanitaire qui sévit ici.
Edith, membre du DAL
Des femmes se retrouvent dans la précarité et dans certains cas séparées de leurs enfants ; pas de logement, enfant en situation de handicap et le cercle vicieux se met alors en marche. La business charity ne soulage pas mais sépare jusqu'au déchirement mère et enfant. C'est Madame Khodou qui témoigne.
Madame Khodou
Si vous voulez entrer plus loin encore dans la sensation que laisse ce lieu à ses habitantes, c'est avec Cherifa qu'il faut faire la visite guidée. Que dire de ce lieu?
Chérifa, militante et Valérie
Alors, l'institution fait-elle son travail ? Considère-t-elle les personnes comme une manne ou comme des personnes à soutenir dans leur volonté de retrouver l'independance à vivre leur destinée dans la sécurité, libérée des institutions? Le témoignage de Martine, Assitante sociale, nous éclaire sur les procédés et les manquements de cette mécanique à l'oeuvre dans l'institution.
Martine, Asistante sociale
Voilà, il suffit de quelques minutes de témoignage pour comprendre que quelque chose cloche au sein du Palais de la Femme, et que ce qu'on y vit, y respire, y rencontre, pour ces femmes qui pourraient y espérer un lieu de reconstruction, sécurisant et accompagnant, c'est peut-être de la crainte. Madame Versini laisse penser que si la majorité des 374 femmes résidentes du Palais de la Femme ne se plaignent pas, il n'y aurait pas vraiment de raison à ces revendications. Cela ne gage en rien qu'il n'y a pas maltraitance institutionnelle. Au contraire même, une majorité de femmes pourraient bien rester silencieuse dans la crainte de représailles justement dénoncées par le collectif. La municipalité de Paris devrait absolument prendre en compte la colère et les revendications émergentes, auditer en urgence les pratiques de l'équipe en charge du Palais de la Femme, pour repérer les manquements dont certains pourraient être graves s'ils sont avérés. Sans cela, il y aurait non assistance à personnes en danger. La suspiscion de harcèlement sur des personnes dont l'histoire est faîte de traumatismes et d'exclusions ne doit en aucun cas être relativisée. Le Palais de la Femme est un lieu où chacune doit être en sécurité pour se reconstruire. Dans le cas contraire, le Palais de la Femme serait le Palais de l'Infâme.
Collectifs solidaires :
Femmes Gilets Jaunes - Feministes pour la Justice Sociale - CNDF (Collectif Droit des Femmes) - Collectif des Dyonisiennes, Maison des Femmes de Paris, Planning Famillial 75, Femmes en Lutte 93, Marche Mondiale des Femmes de Paris, CLAC (Collectif de Libération et d'Autonomie Queer), DAL (Droit au Logement), Sndicat CT Sud, Mairie de Saint Denis, Syndicat SNPES-PJJ/FSU, NPA.